Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/125

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Elle étoit dans cet état lorsque le Roi alla à la revue qu’il fit de ses troupes à Vincennes devant messieurs les ambassadeurs d’Angleterre. Voyant passer le carrosse de La Vallière, il s’avança au galop et fut une heure et demie à la portière, chapeau bas, quoiqu’il fît une petite pluie que nous trouvions fort incommode, et, en s’en retournant, il rencontra à douze pas de là celui des Reines, auquel il fit un grand salut. La semaine suivante, ils allèrent tous deux seuls à Versailles, ne voulant point que mademoiselle d’Artigny y fût, tant il est vrai que dans l’amour le secret est plaisant. Cela me fait souvenir du cardinal légat [1], qui disoit un jour à monsieur de Créqui : « Parbleu, Monsieur, mon plaisir diminueroit de la moitié si je croyois qu’on m’entendît. »

À moitié chemin, Des Fontaines [2], par ordre du roi, lui prépara un grand repas, duquel il eut cent louis. Ils restèrent six ou huit jours à Versailles, et se divertirent à la chasse, à la promenade, au lit et à tout ce qu’ils voulurent. En s’en revenant à Paris, mademoiselle de La Vallière tomba de cheval, qui ne se seroit pas fait grand mal si elle n’eût pas été maîtresse du Roi ; mais, à cause de cela, il la fallut saigner promptement. Je ne sais par quelle raison elle vouloit que ce fût au pied ; le Roi, qui voulut y

    croire que les vestes des femmes différoient de celles que portoient les hommes.

  1. Le cardinal Chigi, dont nous avons parlé plus haut, amoureux de madame de Créqui.
  2. Le sieur Des Fontaines ne figure à aucun titre à cette époque sur l’état de la maison du Roi.