Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/168

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bas, si l’on prétend nous faire servir longtemps de prétexte ; j’ai honte pour les gens de les voir s’attacher si indignement, et de voir tant de fierté réduite à un si grand abaissement. » En achevant ces paroles, elle se tourna de mon côté. « Madame, lui dis-je, l’amour unit toutes choses quand il s’empare d’un cœur ; il en bannit toutes les craintes et les scrupules, et cette sorte d’inégalité que vous condamnez n’est comptée pour rien entre les amants. Le Roi ne peut aimer dans son royaume que des personnes au-dessous de lui ; il y a peu de princesses qui puissent l’attacher ; et, comme ses prédécesseurs, il faut qu’il porte sa galanterie aux demoiselles s’il veut faire des maîtresses. — Il me semble, reprit-elle assez brusquement, qu’ayant commencé d’aimer en Roi, il ne devoit pas faire une si grande chute ; cela me fait connoître, ce que je ne croyois pas de lui, que, la couronne à part, il y a des gentilshommes dans son royaume qui ont plus de mérite que lui, et plus de cœur et de fermeté. Je parle librement devant vous, comte, dit-elle, parce que je crois que vous avez l’âme d’un galant homme, et que j’ai une entière confiance à Montalais. Mais je vous avoue que je voudrois que le Roi prît un autre attachement. — Qu’importe à Votre Altesse ? reprit Montalais ; il a toujours à peu près les mêmes déférences, il ne voit point La Vallière qu’après vous avoir rendu visite ; si vous aimez les divertissemens, il ne tient qu’à vous d’être des parties qu’il fera. Du reste, Madame, je n’ai jamais cru que vous y dussiez prendre part, et du dernier voyage de Fontainebleau je me suis douté de ce que je vois aujourd’hui