Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/189

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votre fils est un extravagant, il aura bien de la peine à devenir sage ; si je n’avois de la considération pour vous, je l’abandonnerois au ressentiment de mon frère, pour qui il a manqué de respect. Envoyez-le en Pologne faire la guerre jusqu’à nouvel ordre [1] ; et afin que la cause de son départ ne soit pas connue, qu’il vienne demain me demander congé de faire ce voyage pour lui et pour son frère [2]. Le maréchal remercia le Roi de sa bonté, sans prendre aucun soin d’excuser son fils, et l’assura qu’il alloit exécuter ses ordres. Le comte étoit encore au lit, parcequ’il étoit revenu fort tard de l’hôtel de Soissons, quand son père entra dans sa chambre, d’où leurs gens se retirèrent, se doutant bien que le maréchal ne venoit pas chez son fils sans affaire.

« — Hé bien, monsieur le comte de Guiche, lui dit-il de son ton railleur, vous êtes un homme à bonnes fortunes ; vous en ferez tant, que quelqu’un prendra le même soin de votre femme que vous prenez de celles des autres. Vous avez assez bien réussi, poursuivit-il ; vous êtes un joli cavalier et surtout fort prudent, vous avez fait votre cour admirablement. Le Roi vient de me

  1. Jean-Casimir, roi de Pologne, avoit épousé Marie de Gonzague, sœur de la princesse Palatine. Cette alliance du roi avec une princesse françoise explique pourquoi la France soutint Jean Casimir tant contre les Moscovites que contre sa propre armée, qui s’étoit tournée contre lui avec Lubomirski. Jean Casimir, soutenu par l’énergie de sa vaillante femme, ressaisit son autorité. Après la mort de sa femme, il abdiqua et se retira en France, où il mourut abbé de Saint-Germain-des-Prés. — On voit son tombeau dans l’église de ce nom.
  2. Le comte de Louvigny, depuis comte de Guiche et duc de Grammont, après la mort de son aîné, tué au passage du Rhin en 1672.