Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/191

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chez lui, où il parut plus résolu. Il me conta ce qu’il venoit d’établir avec Vardes, n’ayant pas jugé à propos de me charger de cela, parceque j’étois trop connu pour être son ami, et parceque Vardes avoit plus d’habitude que moi chez Madame.

« Après cela, me voyant tête à tête avec lui : « N’avez-vous point examiné, lui dis-je, ce qui peut causer votre disgrâce ? — Depuis hier, répondit-il, j’ai fait vingt fois la revue de mes actions passées, je n’ai trouvé que deux choses qui puissent m’avoir trahi. Vous étiez il y a quinze jours d’un repas où l’on s’échauffa à boire : il vous peut souvenir qu’on y dit que les yeux de Madame étoient beaux ; j’en parlai avec un peu trop de chaleur, et même je dis que le cavalier qui en étoit le maître pouvoit assurément se dire heureux, et je proférai ces paroles avec une certaine joie fière, qui auroit été fort indiscrète parmi des gens de sang-froid, et possible cela passa-t-il sans être remarqué, car nous étions tous assez échauffés de vin. Il me souvient pourtant que vous me

    fait dessein de la tenir attachée à lui par la crainte des maux qu’il pourroit lui faire, il lui conseilla de retirer ses lettres et celles du comte de Guiche des mains de Montalais. Je sçais avec certitude que Madame, ne connoissant point la malice de ce conseil, y consentit, et qu’elle lui donna un billet pour les demander à celle qui les avoit ; que, quand il s’en vit possesseur, il eut la perfidie de les garder malgré Madame, qui fit tout ce qu’elle put pour l’obliger à les lui rendre, et que cette princesse, outrée de sa trahison, en voulut du mal, non seulement à lui, mais aussi à la comtesse de Soissons, qu’elle soupçonna d’être de concert avec lui pour lui faire cet outrage. Les dames se brouillèrent ; le comte de Guiche et Vardes devinrent rivaux et ennemis, et cette division fit naître la jalousie et la haine entre ces quatre personnes. » (Mém. de Mottev., année 1665.)