Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/193

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m’apprête à suivre les ordres du Roi avec constance, et je suis bien obligé à sa bonté de donner lui-même une honnête couleur à mon exil, de le faire passer pour une humeur de bravoure de ne pouvoir supporter l’oisiveté. C’est où les gens de courage sont réduits en France depuis qu’il a plu à Sa Majesté de donner la paix à son royaume, et que moi-même je l’ai prié de m’accorder mon éloignement. L’obéissance que je dois à ses volontés ne me permet pas de songer à un retardement de l’aller trouver. L’amitié qu’il a pour Monsieur, son frère, fait que je ne serois pas bien fondé à me justifier. N’avez-vous pas pitié de me voir en ce malheureux état, et la fortune n’est-elle pas bizarre ? Elle ne m’a montré son visage propice que pour me rendre misérable. Il n’importe, le Roi peut me priver du jour, il est le maître de ma vie comme de mes biens ; mais Madame est maîtresse de mon cœur ; elle l’a accepté, j’espère qu’elle le garantira de tout événement dangereux. Pour ne la pouvoir voir ayant de partir, je serai bien consolé au moins de lui écrire. Ah ! grand Dieu ! que je suis malheureux ! C’est à ce coup qu’il faut que j’obéisse à quoi le Roi m’a condamné. Adieu, cher ami, je vais au Louvre [1]. »

Le maréchal de Grammont, qui avoit été trouver le comte chez lui, l’attendoit dans l’antichambre du Roi, et avoit fait quelques démarches pour détromper sa Majesté de l’accusation que Monsieur

  1. Depuis cet alinéa, rien n’indique plus que le récit soit continué par Manicamp, et bientôt même le nom de Manicamp est prononcé, ce qui prouve que l’auteur parle en son nom.