le mieux, lorsque La Vallière survint, et, se mêlant dans notre entretien, le Roi lui demanda son sentiment, et moi pareillement. Elle fit quelques discours assez bien ordonnés, et dit à demi-bas que ce seroit pour le Roi qu’elle auroit le plus de penchant, parce qu’il étoit mieux fait qu’aucun de sa cour et qu’elle préféroit toujours sa conversation à toute autre.
« Le lendemain le Roi me vint voir. Un moment après, la comtesse de Fiesque me rendit visite. Après quelques petits compliments que nous fîmes à Sa Majesté, je tirai le Roi à part et lui demandai s’il avoit bien entendu ce qu’avoit dit La Vallière à la promenade. Il se prit à rire et me dit que cette fille avoit l’esprit hardi, et que cependant il ne laissoit pas de l’aimer. Je lui repartis naïvement : « Il est vrai qu’elle est digne du cœur d’un Roi. Elle n’est point farouche, elle prise votre entretien, elle danse à merveille [1],
- ↑ On voit souvent mademoiselle de La Vallière figurer dans les ballets du temps ; toute boîteuse qu’elle étoit, elle dansoit parfaitement bien. Dans le ballet des Saisons, dansé à Fontainebleau en 1661, elle représentoit une nymphe ; au ballet des Arts, en 1663, une bergère ; et, en 1666, encore une bergère dans le ballet des Muses. Dans le ballet des Arts, le poète parloit ainsi pour mademoiselle de la Vallière :
- Non, sans doute, il n’est point de bergère plus belle ;
- Pour elle cependant qui s’ose déclarer ?
- La presse n’est pas grande à soupirer pour elle,
- Quoiqu’elle soit si propre à faire soupirer.
- Elle a dans ses beaux yeux une douce langueur ;
- Et, bien qu’en apparence aucun n’en soit la cause,
- Pour peu qu’il fût permis de fouiller dans son cœur,
- On ne laisseroit pas d’y trouver quelque chose.
- Mais pourquoi là dessus s’étendre davantage ?
- Suffit qu’on ne sçauroit en dire trop de bien ;
- Et je ne pense pas que dans tout le village
- Il se rencontre un cœur mieux placé que le sien.