Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/206

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par des priviléges dont l’égalité soit blessée ; on n’y voit point de factieuses grandeurs qui gênent notre liberté sans faite notre fortune. Ici les soins de ceux qui gouvernent nous mettent en repos sans qu’ils pensent même à en adoucir le chagrin, par les respects qu’on leur rend très peu, mais qui exigent beaucoup ; moins encore ils sont sévères dans les ordres de l’État, plus ils sont impérieux avec les nations étrangères ; parmi les citoyens et toute sorte de particuliers, ils usent de la facilité qu’apporte une fortune égale. Le crédit n’étant point insolent, la conduite n’est jamais dure si les lois ne sont rigoureuses, ou, pour mieux dire, que vous ne soyez coupable.

Pour les contributions, elles sont véritablement grandes, mais elles regardent toujours le bien public, et sont communes à ceux qui les tirent, comme à ceux sur qui elles sont tirées. Elles laissent à chacun la consolation de ne contribuer que pour soi-même ; ainsi on ne doit pas s’étonner de l’amour du pays, puisque c’est, à le bien prendre, un véritable amour-propre.

C’est trop dire du gouvernement, sans rien dire de celui qui paroît y avoir le plus de part et lui faire justice : rien n’est égal à sa suffisance que son désintéressement et sa fermeté [1]. Les choses spirituelles sont conduites avec une pareille modération ; la différence de religion, qui excite ailleurs tant de troubles, ne cause pas la moindre altération dans les esprits ; chacun cherche le ciel par ses voies, et ceux qu’on croit égarés, plus plaints que haïs, attirent la compassion de la charité, et jamais la persécution d’un

  1. Jean de Witt. Le comte de Guiche parle de lui avec moins d’enthousiasme dans ses Mémoires.