Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/230

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Oui, je soutiens, Mademoiselle, que celui qui peut légitimement aspirer après ces beautés de Votre Altesse Royale, celui-là est sans doute le plus heureux homme du monde ; à plus forte raison le bonheur de celui qui les possédera sera encore plus grand. — Je n’en attendois pas moins de vous, monsieur de Lauzun, dit Mademoiselle, et je m’imaginois bien que la feinte que vous avez faite à la porte de ma chambre se termineroit enfin par la galanterie du monde la mieux inventée et la mieux conduite. — Ha ! Mademoiselle, reprit monsieur de Lauzun, que Votre Altesse Royale juge mal de moi si elle a cette pensée ! Le respect que je dois avoir pour elle, et le vœu que j’ai fait de finir ma vie pour son service, ne me feront jamais déguiser ma pensée ; je publierai à toute la terre quand il en sera besoin ce que je viens d’avancer. — Vous croyez donc, Monsieur, répondit Mademoiselle, qu’il n’y a que les rois et les souverains qui puissent prétendre légitimement à la possession des belles choses ? Quoi ! ne savez-vous pas que c’est le seul mérite qui doit avoir cette prétention, et que le sang ni le rang même n’augmente point le prix d’une personne, si elle n’a que cela pour partage ? Vous savez qu’il y en a une infinité qui,

    lui avoit proposé l’alliance : « Je meurs d’envie qu’il me dise des douceurs, parceque je ne sais encore ce que c’est ; personne ne m’en a osé dire. » Toutefois elle ajoutoit : « Ce n’est pas à cause de ma qualité, puisque l’on en a dit à des reines de ma connoissance ; c’est à cause de mon humeur, que l’on connoît bien éloignée de la coquetterie. Cependant, sans être coquette, j’en puis bien écouter d’un roi avec lequel on veut me marier ; ainsi je souhaiterois fort qu’il m’en pût dire. » (Mém., édit Maëstricht, 1, 236.)