Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/266

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ne déguise point ma pensée ; et puisque mes paroles n’ont pas pu vous persuader les véritables sentimens de mon cœur, il faut que j’emprunte le secours de mes yeux, et que les larmes que vous me forcez de verser vous en soient des témoins auxquels vous ne puissiez rien objecter. Me croyez-vous, Monsieur, après vous avoir donné des preuves si fortes de mon amour ? Douterez-vous encore de la sincérité de mon procédé, après l’avoir ouï de ma bouche, et que mes yeux même n’ont pas épargné leurs soins et leur pouvoir pour ne vous laisser aucun doute ? Répondez-moi donc, s’il vous plaît : cette déclaration si ingénue, et, ce me semble, assez extraordinaire, mérite-t-elle que vous y ajoutiez foi ? M’acquittai-je bien de ma promesse ? Il vous peut souvenir sans doute que, lorsque vous me disiez qu’il n’y avoit que les rois et les souverains qui pussent justement prétendre à la possession des grandes princesses, je vous répondis que vous vous trompiez, qu’ils n’étoient pas les seuls, et qu’il y en avoit d’autres qui, par leur propre mérite et sans le secours du sang, y pouvoient prétendre, et que, parmi un grand nombre qu’on trouvoit, je n’en voyois point qui le pût mieux prétendre que vous. Je vous parlois alors pour vous animer, et aujourd’hui je vous parle pour vous faire heureux, si la possession d’une personne de mon rang peut vous le rendre. Je veux partager la peine avec vous : travaillez de concert à cela ; agissez hardiment et sans crainte ; faites tout ce que vous pouvez de votre côté, et assurez-vous à ma foi de princesse que je n’oublierai rien du mien. Êtes-vous content, Monsieur ?