Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/268

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pardonnez, s’il vous plaît, à mes transports, si je vous parle si librement. Je vous vis, je vous considérai, je vous admirai pendant longtemps. Votre Altesse Royale a trop de charmes pour s’en pouvoir défendre ; les beautés de votre âme qui sont jointes à celles de votre corps font un admirable composé de toutes les beautés ensemble. Et ainsi, Mademoiselle, j’ai eu des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, un esprit pour admirer, et un cœur pour aimer. J’ai fait tous mes efforts pour me défendre de cette passion lorsqu’elle ne faisoit encore que naître ; non pas par quelque sorte de répugnance, car je sais trop qu’outre que vous méritez les adorations de toute la terre, je ne pouvois jamais être embrasé d’une si digne et glorieuse flamme. Je pourrois ajouter à cela, quoique Votre Altesse Royale me taxe de présomption, que, si la nature a mis tant d’inégalité entre votre condition et la mienne, elle m’a donné un cœur assez noble et élevé pour n’aspirer qu’à de grandes choses, et qui jusqu’ici n’a pu se résoudre à s’attacher à autre qu’à Votre Altesse Royale. Oui, Mademoiselle, je l’avoue à vos pieds, après l’aveu sincère que vous venez de faire sur le sujet de vos inclinations. Je n’en aurois jamais osé parler, si votre procédé ne m’en avoit donné la licence, quoique je ne visse point d’autre remède à mon mal que la langueur pendant le reste de mes jours. J’aimois mieux traîner une vie mourante dans un mortel silence, que de risquer à vous déplaire et à m’attirer pour un seul moment votre disgrâce par la moindre parole qui vous pût faire connoître mon amour. Et comme j’ai fait