Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/31

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Sire, ce qui vous convient est l’infante d’Espagne, et je crois par avance qu’elle vous est destinée. Comme je vous aime, pour répondre à vos expressions et que vous m’en donnez la liberté, je me voudrois un mal extrême si je devenois la cause de vos disgrâces. N’hésitez point à faire une alliance qui augmentera le fondement de votre couronne et de vos États. — Ah ! Madame, quel discours me tenez-vous ! Se peut-il rien de plus dur que ce que vous me dites ! Vous voulez donc ma mort ? — Non, reprit-elle, bien au contraire ; mais considérez que la Reine votre mère se porte inclinante à faire ce mariage, et que des courriers sont déjà partis pour ce fait ; que je tiens cela du bon endroit, et que je ne vous en impose point. — Comment ! dit le Roi en colère, on me marieroit sans moi ! Il me semble que cela ne se peut, s’il est vrai qu’il me faille dire oui moi-même, que je ne prononcerai que pour vous. — Je ferois quelque fonds sur ce que me dit Votre Majesté si elle étoit dans un âge plus avancé, ou qu’elle connût mieux son état ; mais elle est jeune, et si jeune que ceux qui l’environnent pensent à lui procurer des plaisirs innocens lorsqu’ils travaillent à faire leurs intérêts et à les augmenter directement, sans considérer que les vôtres en souffrent. Oui, Sire, vous êtes si peu instruit de votre grandeur, de votre pouvoir et de votre autorité, que vous ignorez ce qui se fait à votre nom. On se contente de vous promener, de vous donner des fêtes, et on cache à vos yeux ce que je voudrois que vous sussiez. — Il me semble qu’on me dit tout, reprit le Roi. — Qu’est-ce qu’on vous dit ? reprit mademoiselle de Mancini ;