Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/312

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qu’elle consentit enfin à recevoir ses vœux, après néanmoins lui avoir fait connoître encore mille scrupules, et lui avoir témoigné qu’elle appréhendoit bien les suites de la foiblesse qu’elle avoit.

Il s’établit ensuite entre eux un commerce très-doux. Bonneville, de l’esprit de laquelle madame de Bagneux étoit entièrement assurée, prenoit les lettres du chevalier de Fosseuse et lui rendoit celles de sa maîtresse. Quoiqu’ils ne se vissent point dans les compagnies où ils eussent pu se voir, de peur que quelqu’un ne s’aperçût de leur amour en observant leurs actions, le chevalier de Fosseuse avoit le bonheur de voir souvent madame de Bagneux chez elle, cette adroite confidente ménageant si bien les temps que M. de Bagneux étoit absent, qu’il n’y avoit presque point de semaine qu’ils ne se vissent.

En ce temps-là un des amis de M. de Bagneux, nommé le baron de Villefranche, qu’il y avoit peu qui étoit revenu de Portugal [1], vint le voir. M. de Bagneux s’étoit marié depuis qu’ils ne s’étoient vus, et il ne put le lui apprendre sans le mener à la chambre de sa femme.

Le baron de Villefranche fut ébloui de sa beauté. Il lui fit ensuite plusieurs visites, dans lesquelles elle lui parut si charmante et si aimable qu’en peu de temps il fut touché du même mal que le chevalier de Fosseuse. Madame de

  1. C’étoit l’époque où la veuve du premier roi de Portugal de la maison de Bragance, dona Luisa de Guzman, régente du royaume, alloit résigner le pouvoir entre les mains de son fils aîné, l’incapable Alphonse VI, qui avoit atteint sa majorité (23 juin 1662).