Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/317

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à quel point madame de Bagneux étoit irritée, lequel redoubla ses soins auprès d’elle, et fit tout ce qu’il put pour tâcher de lui faire oublier le chevalier de Fosseuse, en lui persuadant qu’il l’aimoit véritablement. Mais madame de Bagneux ne l’en traita pas plus favorablement ; elle ne regardoit toutes les marques qu’il lui donnoit de sa passion que comme de seconds piéges que lui tendoit la perfidie des hommes.

Ces différentes pensées, jointes à la jalousie de son mari qu’elle voyoit augmenter, lui donnoient incessamment des chagrins.

Une chose l’en accabla et lui donna une extrême affliction. Un frère qu’elle avoit, qui étoit avancé dans les armes, tua en duel une personne des plus considérables d’une province où il étoit. Les parens du mort, par le crédit et les habitudes qu’ils avoient dans le pays, le firent arrêter, et aussitôt, aidés par la rigueur des lois contre ces crimes, que beaucoup de personnes tiennent honorables, firent travailler vivement à lui faire son procès.

Cette affaire fit du bruit dans le monde, et le chevalier de Fosseuse l’apprit comme les autres, mais avec un extrême déplaisir, pour l’intérêt qu’y avoit madame de Bagneux.

Son procédé envers lui le confirmoit dans sa jalousie. Il ne doutoit pas que, si elle eût pu lui faire de justes reproches, et, au contraire, si elle n’eût pas appréhendé ceux qu’elle voyoit qu’il pouvoit lui faire, elle n’auroit point refusé si opiniâtrement de l’entendre, et il en sentoit la dernière douleur.