Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/323

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sacrifioit ce qu’il avoit aimé. Madame de Bagneux n’en étant point convenue, après plusieurs discours, elles lui donnèrent l’explication de ce qu’elles venoient de lui dire, et lui apprirent comment il leur avoit montré ce portrait, et de qui il étoit, et qu’infailliblement il venoit de lui.

Madame de Bagneux eut bien de la peine à cacher le trouble que cette conversation causoit dans son âme. Elle ne sentoit pas une joie médiocre des choses qui la pouvoient faire douter que le chevalier de Fosseuse fût coupable. Elle pensa qu’il se pouvoit que le baron de Villefranche, qui avoit été la voir quelques jours avant qu’elle trouvât ce portrait, l’eût laissé tomber et qu’il n’eût osé le lui demander ; mais elle n’osoit espérer un changement si heureux.

Le baron de Villefranche connoissoit aussi la dame chez qui cette dispute venoit d’arriver ; il vint pour la voir un moment, et acheva de donner un éclaircissement qui lui fut plus cruel qu’aucune chose lui eût jamais été. Ces dames lui firent reconnoître ce portrait et l’obligèrent d’avouer qu’il étoit à lui. À quoi il ajouta, pour empêcher que madame de Bagneux n’eût aucun soupçon de la tromperie qu’il lui avoit faite, qu’il s’étoit bien aperçu qu’il l’avoit perdu, mais qu’il ne s’étoit point souvenu où ç’avoit été, et voulut ensuite lui faire entendre que le peu de soin qu’il avoit eu de tâcher de le recouvrer étoit une marque qu’il ne songeoit plus à la personne de qui il étoit, et qu’elle en avoit entièrement effacé le souvenir dans son cœur.

Madame de Bagneux s’abandonna à la joie.