Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/349

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pour l’avenir, et qu’il seroit incapable de lui témoigner jamais aucuns soupçons qui pussent lui déplaire.

Mais tous ces soins et toutes ces satisfactions furent inutiles. Elle lui dit peu de choses pour se justifier envers lui, et lui fit entendre que sa mort ne devoit pas lui être désagréable. Elle ne pouvoit plus penser qu’au chevalier de Fosseuse, ce qu’il venoit de faire lui paroissant un si grand sacrifice et une chose si extraordinaire, qu’au milieu de son mal elle en avoit quelque joie, connoissant qu’il avoit été digne de l’inclination qu’elle avoit eue pour lui. Et cette forte passion lui ôtoit l’envie de guérir ; elle sentoit qu’elle ne pourroit jamais chasser cette passion de son cœur, et que, si elle survivoit à la connoissance que M. de Bagneux en avoit, outre la contrainte terrible avec laquelle elle seroit obligée de cacher ses sentimens, elle seroit tous les jours exposée à tous les chagrins qu’il voudroit lui faire souffrir, et qu’il auroit lui-même une continuelle inquiétude.

Il ne s’est jamais vu personne si malade et si agitée. Aussi, bien qu’elle eût plusieurs relâches, venant toujours à repenser à toutes ces choses et à en imaginer encore de nouvelles, elle retomboit aussitôt dans un état pire que le premier, et, ses forces étant enfin épuisées par le mal, elle mourut dans ces sentimens confus, et sans témoigner aucun regret à la vie.