Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/390

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il résolut de l’éloigner sous prétexte de lui donner de grands emplois ; mais ce mari ayant l’esprit peu complaisant, il refusa tout ce qu’on lui offrit, se doutant bien que le mérite de sa femme contribuoit plus à son élévation que tout ce qu’il pouvoit y avoir de recommandable en lui.

Madame de Montespan, qui avoit pris goût aux caresses du grand Alcandre, ne pouvant plus souffrir celles de son mari, ne lui voulut plus rien accorder, ce qui mit M. de Montespan dans un tel désespoir que, quoiqu’il l’aimât tendrement, il ne laissa pas de lui donner un soufflet. Madame de Montespan, qui se sentoit alors de l’appui, le maltraita extrêmement de paroles ; et s’étant plainte de son procédé au grand Alcandre, il exila M. de Montespan, qui s’en alla avec ses enfans [1] dans son pays, proche les Pyrénées. Il prit là le grand deuil, comme si véritablement il eût perdu sa femme, et, comme il y avoit beaucoup de dettes dans sa maison, le grand Alcandre lui envoya deux cent mille francs pour le consoler de la perte qu’il avoit faite.

Cependant, quelque temps après que M. de Montespan fut parti, madame sa femme devint grosse ; et, quoiqu’elle s’imaginât bien que tout le monde savoit ce qui se passoit entre le grand

  1. Madame de Montespan avoit eu deux enfants, une fille qui mourut jeune, et un fils, Louis-Antoine de Gondrin de Pardaillan, qui obtint du Roi les plus hautes dignités et fut connu sous le nom de duc d’Antin. Il épousa la petite-fille de M. de Montausier, mademoiselle de Crussol, fille du duc d’Usez.