Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/407

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Ils conseillèrent néanmoins au grand Alcandre de dissimuler son ressentiment, soit qu’ils crussent ne pouvoir encore procurer la perte de M. de Lauzun, ou qu’ils appréhendassent de choquer la princesse, qui ne pardonnoit pas volontiers quand on lui avoit donné une fois sujet de vouloir du mal. Le Roi continua donc d’en user en apparence avec lui comme il faisoit auparavant ; mais il donna ordre à M. de Louvois de le faire observer de si près qu’il pût lui rendre compte de sa conduite.

M. de Lauzun, cependant, prenant des airs de grandeur avec sa nouvelle épouse, auxquels il n’avoit déjà que trop de disposition naturellement, s’en faisoit accroire tous les jours de plus en plus, si bien qu’il avoit presque toute la cour pour ennemie. Il soutenoit cependant tout cela avec une hauteur extraordinaire ; mais il lui survint bientôt une occasion qui fut cause de sa disgrâce, que l’on méditoit néanmoins il y avoit déjà longtemps.

Le comte de Guiche [1], fils aîné du maréchal de Grammont, étoit colonel du régiment des gardes du grand Alcandre, en survivance de son père, et le grand Alcandre l’ayant exilé pour des desseins approchans de ceux de M. de Lauzun, c’est-à-dire pour avoir osé aimer la femme de Monsieur, enfin, à la considération du maréchal, pour qui le grand Alcandre avoit beaucoup d’amitié, il permit à son fils de revenir, à condition néanmoins qu’il se déferoit de sa charge. Or, la charge du comte de Guiche étant sans contredit

  1. L’histoire de ses amours et de sa disgrâce est l’objet du premier pamphlet de ce volume.