Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/410

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il n’en avoit pas eu seulement la pensée, se rendant assez de justice pour savoir qu’il y en avoit mille autres qui en étoient plus dignes que lui. — Cette modestie vous sied bien, répondit un peu froidement le grand Alcandre ; à quoi il ajouta que cependant madame de Montespan lui avoit parlé pour lui, ce qu’il ne croyoit pas qu’elle eût fait s’il ne l’en avoit priée ; qu’il ne concevoit pas pourquoi il faisoit mystère d’une chose à laquelle il pouvoit prétendre préférablement à tant d’autres, et qu’il vouloit qu’il lui en dît la vérité. M. de Lauzun, se voyant pressé de cette sorte par le grand Alcandre, lui jura tout de nouveau qu’il n’y avoit jamais pensé ; sur quoi le grand Alcandre, prenant tout d’un coup un air à le faire trembler, lui dit qu’il s’étonnoit extrêmement de la hardiesse qu’il avoit de lui mentir avec tant d’impudence ; qu’il n’avoit que faire de déguiser davantage ; que madame de Montespan lui avoit tout dit, et qu’il pouvoit s’assurer qu’il n’auroit jamais aucune confiance en tout ce qu’il lui pourroit dire. En même temps il se leva, et l’ayant congédié sans vouloir entendre ses excuses, M. de Lauzun s’en alla plein de désespoir et de rage.

Il rencontra, au sortir du cabinet du grand Alcandre, le duc de Créqui [1], qui, le voyant tout changé, lui demanda ce qu’il avoit ; à quoi il lui répondit qu’il étoit un malheureux, qu’il avoit la corde au cou, et que celui qui voudroit l’étrangler seroit le meilleur de ses amis. Il s’en fut de là chez madame de Montespan, où il n’y eut sorte d’injures

  1. Le duc de Créqui avoit été un des quatre gentilshommes qui avoient parlé au roi en faveur du mariage de Lauzun et de Mademoiselle.