Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/418

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Le grand Alcandre se mit à rire de la saillie du duc de la Feuillade, et, voyant qu’il s’en retournoit avec autant de précipitation qu’il étoit venu, il lui dit de ne s’en pas aller si vite, s’il n’avoit que faire à Paris que pour aller chercher de l’argent ; qu’il consentoit de lui en prêter, mais à condition qu’il le lui rendroit quand il se trouveroit en état. Ainsi le grand Alcandre, ayant abaissé en un jour son favori, en éleva un autre presque en aussi peu de temps : car il est constant que le matin que le grand Alcandre fit ce présent au duc de la Feuillade, il étoit si mal dans ses affaires, que, lui étant mort un de ses chevaux de carrosse, il n’avoit point trouvé d’argent chez lui pour en ravoir un autre.

Quoique la disgrâce de M. de Lauzun eût privé les dames de la cour d’un de leurs meilleurs combattans, comme, d’un moment à l’autre, il s’en présente là de tout frais, la vigueur de ceux-ci les consola de la perte de l’autre, et elles ne l’eurent pas plutôt perdu de vue qu’elles ne songèrent plus à ses bravoures. Parmi les jeunes gens qui se présentèrent pour remplir sa place, le duc de Longueville [1] étoit sans doute le plus considérable pour le bien et pour la naissance : car il descendoit de princes qui avoient possédé la couronne avant qu’elle tombât dans la branche du grand Alcandre, et il avoit bien six cent mille livres de rente en fonds de terre

  1. Charles-Paris d’Orléans, duc de Longueville, second fils d’Henri II d’Orléans-Longueville et d’Anne-Geneviève de Bourbon, sœur du grand Condé ; son frère aîné s’étant fait prêtre, Charles-Paris avoit hérité du nom et des biens immenses de son frère.