Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/426

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Ainsi elle s’imaginoit avec raison que, s’il venoit à le savoir, il l’enfermeroit aussitôt pour toute sa vie, si bien qu’il lui fallut user de grande précaution pour le lui cacher. Mais elle le découvrit au duc de Longueville, qui, ravi de se voir renaître, quoiqu’il ne fût encore qu’un enfant lui-même, en aima plus tendrement la maréchale. Comme elle fut grosse de quatre ou cinq mois, elle ne voulut plus se commettre à aller dans la chambre du maréchal, et, demeurant à jouer toute la nuit, elle restoit le jour au lit, où elle se faisoit apporter à manger, et ne se levoit point que les joueurs ne revinssent, devant qui elle ne bougeoit point de son fauteuil, de peur qu’ils ne vinssent à découvrir le sujet de ses inquiétudes.

Quoique le maréchal ne se défiât de rien, il ne laissa pas de trouver à redire à cette manière de vivre, et, lui ayant fait dire qu’il seroit bien aise de lui parler, elle se hasarda à venir dans sa chambre, où il lui lava la tête comme il faut. Mais la maréchale, qui ne demandoit qu’un prétexte pour n’y plus revenir, feignant d’être fort offensée de ses corrections, les reçut tout en colère ; si bien que la conversation s’échauffant de paroles à autres, ils se dirent l’un et l’autre beaucoup de pauvretés : ce qui donna lieu à la maréchale de lui dire qu’elle lui permettoit de la quereller quand elle le reviendroit voir. Et, sortant en même temps de la chambre, elle n’y remit le pied qu’après ses couches.

Comme elle fut à six semaines ou deux mois près de son terme, elle feignit une indisposition pour se délivrer de la compagnie qui l’accabloit.