Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/440

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énigme, ce qu’elle ne voulut pas faire, quoique ces dames l’en priassent. Mais elles n’eurent pas plus tôt su l’aventure qui étoit arrivée à ce jeune prince, que le reste leur fut aisé à deviner. Ainsi elles comprirent dans un moment que le désordre où il s’étoit trouvé étoit l’ouvrage des mains de la duchesse.

Le grand Alcandre, en ayant été averti, dit à la maréchale de La Motte qu’il n’étoit point content du tout de sa fille ; qu’elle l’avertît d’avoir une conduite plus honnête, sinon qu’il seroit obligé d’en dire un mot à son mari [1]. Cependant, ce mari étoit un homme qui ne se mettoit guère en peine ni de la réputation de sa femme, ni de la sienne propre, et, pourvu qu’il bût et qu’il allât chez les courtisanes, il étoit au-dessus de tout ce que l’on pouvoit dire et de tout ce qui pouvoit arriver. Il étoit toujours avec un tas de jeunes débauchés comme lui, et tous leurs beaux faits n’étoient que de pousser la débauche jusqu’à la dernière extrémité, tellement que les filles de joie, tout aguerries qu’elles devoient être, ne les voyoient point entrer chez elles sans trembler.

Ils firent en ce temps-là une débauche qui alla un peu trop loin et qui fit beaucoup de bruit et à la cour et dans la ville : car, après avoir passé

  1. Henri-François de Saint-Nectaire, fils de la trop fameuse maréchale de La Ferté, né le 23 janvier 1657, suivit, à peine âgé de quinze ans, le roi à la conquête de Hollande. À dix-sept ans, il succédoit à son père dans le gouvernement de Metz et du pays messin. Il prit part à quelques campagnes avec le titre de lieutenant général, et mourut le 1er août 1703.