Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/449

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et des soupirs qui l’auroient fait crever de rire nonobstant la douleur qu’elle ressentoit, si elle eût osé témoigner sa pensée. Ce fut par là que se termina cette comédie ; car des tranchées l’ayant pris en même temps, à peine eut-il le temps de gagner son carrosse et de se retirer chez lui.

Comme il y avoit du mercure dans la médecine, il fut tourmenté comme il faut toute la nuit et tout le lendemain ; et, ne pouvant aller chez la duchesse, il lui écrivit un billet dont je ne puis pas rapporter les paroles, n’étant jamais tombé entre mes mains, mais dont ayant assez ouï parler dans le monde, comme d’une chose ridicule, j’en puis dire le sens, que voici : « Qu’il ne pouvoit avoir l’honneur de la voir de tout le jour, parce qu’il étoit devenu comme ces filles de joie, lesquelles ne peuvent plus répondre de ne point faire de folies de leur corps, tant elles y sont accoutumées ; que le sien étoit tellement habitué à de certaines choses qu’il n’osoit dire, qu’il falloit qu’il gardât la chambre jusqu’à ce qu’il fût entièrement remis de son indisposition ; qu’il la prioit cependant d’être persuadée qu’il n’avoit pas pris la médecine comme un remède contre l’amour, mais pour lui montrer qu’il seroit amoureux d’elle toute la vie. »

La duchesse lut et relut ce billet, s’étonnant comment un homme qui avoit cinquante ans passés, et qui avoit vu le monde, pouvoit être si fou, et, étant bien aise de continuer à s’en divertir, elle eut de l’impatience de le revoir et qu’il fût quitté de la sottise. L’Avocat, après avoir souffert