Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/477

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s’il étoit vrai cependant que ce prince l’aimât véritablement, ce qu’elle n’osoit croire encore, de peur de s’abandonner à une joie mal fondée, il lui en donneroit des marques bientôt en n’aimant qu’elle uniquement, comme elle étoit prête de son côté de n’aimer que lui.

Le prince de Marsillac, qui vouloit réussir du premier coup dans son ambassade amoureuse, répondit à cela que, si l’on pouvoit juger de l’avenir par les choses passées, il n’y avoit pas beaucoup d’apparence que le grand Alcandre, qui étoit mécontent de madame de Montespan, dût jamais retourner vers elle ; qu’il étoit constant quand il aimoit une fois, et que s’il avoit quitté madame de La Vallière, c’est que cette dame y avoit beaucoup contribué par une inégalité d’esprit qui ne plaisoit pas à ce prince ; qu’elle avoit pu entendre parler qu’avant qu’elle entrât dans le couvent où elle étoit religieuse, elle étoit déjà entrée dans un autre malgré lui ; qu’il avoit été obligé même de la renvoyer quérir, et cela à la vue de tout son royaume ; que depuis ce temps-là elle ne faisoit que lui parler des sindérèses de sa conscience, ce qui l’avoit détaché d’elle peu à peu, ce prince ne voulant pas s’opposer à son salut ; qu’il avoit donc aimé madame de Montespan, et qu’il l’aimeroit peut-être toujours, si elle n’avoit voulu prendre avec lui des airs qui peuvent bien convenir aux maîtresses des particuliers, mais non pas à celle d’un grand prince, avec qui il est bon d’avoir l’esprit plus souple et plus complaisant ; qu’il lui diroit comment elle en devoit user quand elle en seroit là ; mais que n’en étant pas encore temps, il ne