Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/55

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interrompit cette conversation, qui avoit déjà duré trois heures. On remarqua beaucoup de tristesse sur le visage de La Vallière et d’inquiétude sur celui du Roi [1], qui la fut revoir le lendemain, et eut avec elle une conversation de même nature, après laquelle il lui envoya une paire de boucles d’oreilles de diamant [2] valant 50,000 écus, et deux jours après un crochet et une montre d’un prix inestimable, avec ce billet :

BILLET. Voulez-vous ma mort ? Dites-le-moi sincèrement. Mademoiselle ; il faudra vous satisfaire. Tout le monde cherche avec empressement ce qui peut m’inquiéter. L’on dit que Madame n’est point cruelle, que la fortune me veut assez de bien ; mais on ne dit pas que je vous aime et que vous me désespérez. Vous avez une espèce de tendresse pour moi qui me fait enrager. Au nom de Dieu, changez votre manière d’agir pour un prince qui se meurt pour vous ; ou soyez toute douce, ou soyez toute cruelle.

Le Roi, qui est le plus impatient de tous les hommes lorsqu’il aime, et qui a pour maxime que plus une femme a d’esprit et de sagesse et plus elle donne son cœur, et que, lorsqu’elle l’a donné, il n’est plus en son pouvoir de refuser rien à son amant, se résolut enfin de sçavoir où il

  1. Var. : La copie de Conrart porte, après ce mot :
    « Il mit son chapeau sur sa teste, et lui alla la teste nue. Il la fut revoir, etc. »
  2. Ce dernier mot a été ajouté dans la copie de Conrart.