Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/141

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son amour ; et s’étant rendu chez madame de Montespan, il lui déclara qu’il vouloit savoir quelles personnes avoient dicté cette lettre : « Car pour vous, Madame, dit-il, il y a assez longtemps que je vous connois pour savoir quel est votre style ; point ici de déguisement, dites-moi qui c’est.—Quand je vous l’aurai dit, Sire, lui dit-elle, vous aurez peine à le croire ; mais pour ne vous point laisser l’esprit en suspens, c’est la Scarron qui me l’a dictée, et moi je l’ai transcrite ; et afin que Votre Majesté n’en fasse aucun doute, j’en vais rapporter l’original de sa main. »

En effet, elle l’apporta et le lui présenta. Le Roi fut satisfait de cela et demanda à voir mademoiselle Scarron[1], qui pour lors ne se trouva point. Mais un jour qu’elle étoit auprès de la Montespan, le Roi arriva. D’abord elle voulut se retirer, par respect ; mais il n’y voulut pas consentir, et lui dit mille louanges sur son beau génie à écrire des lettres. Elle répondit avec tant d’esprit à ce qu’il lui dit, qu’il l’en admira de plus en plus, et qu’il commença de la distinguer des autres domestiques ; et en sortant il la recommanda à madame de Montespan, à laquelle il écrivoit beaucoup plus souvent qu’à l’ordinaire, pour avoir le plaisir de voir les réponses que la Scarron dictoit ; et il les trouvoit si agréables qu’il en redoubloit ses visites, à toutes lesquelles il ne manquoit point d’entrer en conversation avec

  1. Mademoiselle Scarron. Il faudroit dire : madame Scarron, puisque son mari étoit noble et qu’elle-même étoit noble aussi. Le titre de mademoiselle se donnoit aux filles nobles ou aux femmes qui n’étoient pas nobles.