Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/154

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nouvelles intrigues pour s’acquérir les bonnes grâces de la dame aimée[1] ; [et cette dernière, qui craignoit aussi, de son côté, de tomber du pinacle où elle se voyoit élevée, crut que pour pouvoir

    « Cependant, lorsque le Roi se porta mieux, elle ne manqua pas de profiter d’un si long temps et de mettre la santé du monarque à de nouvelles épreuves. Et il faut avouer que jamais femme n’a mieux su qu’elle tirer parti de l’amour et ménager les occasions. Elle disoit un jour, en plaisantant, à une de ses amies : « Que les amants vulgaires cherchent tant qu’il leur plaira ce qu’on appelle l’heure du berger ; pour moi, je cherche l’heure du Roi. Quand elle se présente, je vous assure que je ne la laisse pas échapper. » Elle avoit raison de parler ainsi : elle a su profiter du fort et du foible de Louis-le-Grand. Aussi ce monarque, qui aime naturellement la gloire et les plaisirs, a été charmé de trouver une maîtresse qui a su si bien flatter son ambition et son amour, qui l’instruit en le divertissant, et qui, dans ses conversations les plus amoureuses, sait mêler les maximes de la fine et de la plus haute politique.

    « Un jour qu’elle étoit seule avec le Roi et qu’elle avoit reçu de nouvelles preuves de son amour, elle dit, pour flatter agréablement ce monarque, qu’un prince comme lui ne devoit pas aimer comme les autres hommes ; que, comme il étoit né pour régner, il falloit qu’il pratiquât comme il faisoit cet art glorieux au métier même des plaisirs. « Votre Majesté, ajouta-t-elle, brille partout, vous ne la sauriez cacher ; amant, ami, en guerre, en paix, à l’armée, au lit, à la table, vous faites tout en roi, et l’on ne peut jamais vous méconnoître ; plus grand en cela que le Jupiter des païens, qui quittoit sa grandeur et sa majesté et prenoit les formes les plus chétives pour assouvir son amour ; au lieu que Louis-le-Grand ne diminue rien de sa grandeur, quoiqu’il s’abaisse jusqu’à nous. »

    « Voilà de quelle manière elle entretient le Roi ; et comme la passion de ce prince pour madame de Maintenon est fondée sur l’esprit plutôt que sur la beauté de cette nouvelle marquise, il y a de l’apparence que cette passion durera autant que sa vie. »

  1. Le passage compris entre ces deux crochets a été intercalé plus haut dans la première édition, et on l’a déjà vu en note.