Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/192

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bêtes. « Ma foi, lui dit le Grand Prieur, je ne puis faire la fonction de palefrenier et de cuisinier tout à la fois ; choisissez, Monseigneur, l’un des deux, et moi je ferai l’autre. » Mais comme le Dauphin avoit ses grosses bottes et qu’il falloit grimper au grenier par une échelle, il aima mieux se mettre à la place du Grand Prieur, jugeant qu’il n’y avoit pas tant de risque et ne pouvant de là tomber de fort haut. Ainsi le Grand Prieur, ayant quitté le métier de marmiton et pris celui de palefrenier, monta au grenier, où il trouva quelque peu de foin et de paille pour satisfaire à la pressante faim de leurs chevaux, qui avoient couru tout le jour sans débrider. Dans cet intervalle, Monsieur le curé arriva avec la provision et tâcha de les régaler le mieux qu’il put, n’ayant pour tout dessert qu’un peu de vieilles noix et un morceau de fromage vieux au pied de messager. Mais tout est bon quand on a faim, la meilleure sauce que l’on puisse faire ne la valant pas. Après souper, Monsieur le curé, qui n’avoit pour tout ornement de chambre qu’un lit, le leur céda agréablement et alla coucher au prochain village, d’où il étoit venu, chez quelque paysan de ses amis, dans l’espérance de revoir ses hôtes le lendemain au matin. Mais, à la pointe du jour, la suite de monseigneur le Dauphin, qui le cherchoit partout, étant venue près de cette maison, donnèrent du cor, ce qui obligea le Grand Prieur de se faire voir à la fenêtre, et la compagnie ayant environné la maison, qui n’étoit pas assez grande pour en contenir la moitié, le Dauphin fut bientôt levé, et encore plus tôt habillé, sans aide d’aucun valet de chambre, et Monseigneur confessa n’avoir jamais