Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/249

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qu’elle n’avoit ni bu ni mangé, et qu’une autre fois ils n’amèneroient jamais personne par force. »

Le maréchal goba ce discours, et, étant bien aise de le faire remarquer à Gendarme, qu’il croit derrière lui, mais qui étoit déjà au buffet à trousser un verre de vin, il donna un coup sur le bras d’un laquais qui apportoit un ragoût pour le faire boire, et le fit tomber. Cela interrompit le discours qui étoit sur le tapis, et il se crut obligé de s’excuser de ce qu’il avoit fait. Ils lui dirent tous que ce n’étoit rien, et qu’ils avoient fait si grande chère, qu’il y en avoit encore assez pour lui et pour eux. Au même temps le duc de Sault le prit par le bras et l’obligea de s’asseoir entre madame Du Mesnil et lui, si bien qu’on recommença à manger de plus belle et à boire de même. La Du Mesnil, qui en avoit jusqu’à la gorge, affecta une grande sobriété et une grande mélancolie ; en quoi elle se contraignoit plus en l’un qu’en l’autre. Chacun lui disoit qu’elle devoit manger maintenant qu’elle avoit ce qu’elle aimoit auprès d’elle ; mais, comme le maréchal ne lui en parloit point, et qu’elle voulut que ce fût lui, elle se défendoit avec un air languissant, ce qui donnoit sujet de rire à tous ceux qui savoient comment elle s’en étoit acquittée avant qu’il entrât. Le maréchal, qui mouroit de faim, ne songeoit qu’à remplir sa panse, et lâchoit bien quelquefois quelque parole pour l’obliger à en faire de même, mais elle vouloit qu’il l’en pressât davantage. Enfin, après qu’il eut rassasié sa grosse faim, il fut plus galant et eut plus soin d’elle. Elle fit mine de