Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/315

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homme qui la tirât de la nécessité. Pour tromper encore mieux le monde, elle lui fit acheter le gouvernement de la province du Maine[1], publiant que ce n’étoit qu’afin que sa nièce eût un mari qui eût quelque rang. Mais étant lassés bien tôt de toutes ces finesses, ils logèrent ensemble, si bien que les parens de lui eurent peur qu’il ne fît la folie de l’épouser si son mari venoit jamais à mourir ; surtout madame de Bonnelle[2], sa mère, en fut dans de grandes allarmes, disant à toute la terre qu’elle ne s’en consoleroit jamais si cela arrivoit. On fut dire cela à madame d’Olonne, qui, sans considérer que Fervaques en étoit innocent, fit tomber son ressentiment sur lui. Elle lui demanda si c’étoit lui qui faisoit courir ces faux bruits, et s’il seroit bien assez vain de croire qu’elle l’épouseroit, si elle devenoit jamais veuve. Fervaques se trouva piqué de ce mépris, et, lui ayant fait une réponse qui ne lui plut pas, elle prit les pincettes du feu et lui en donna par le visage. Elle l’avoit mis sur un tel pied de respect avec elle, qu’il lui demanda ce qu’elle faisoit, et si elle y avoit bien pensé. Une si sotte demande méritoit une nouvelle punition ; ainsi, ayant reconnu qu’il étoit encore plus sot qu’elle ne pensoit, elle continua à le maltraiter, si bien qu’il en fut tellement défiguré qu’il n’osa sortir de huit jours.

  1. Alphonse Noël, marquis de Fervaques, fut en effet gouverneur des pays et comtés du Maine, Laval et Perche, mais après 1669, époque où le duc de Tresme occupoit encore cette charge. Il fut aussi capitaine lieutenant des chevau-légers de la Reine.
  2. Voy. tome 1, p. 82, 265.