Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/341

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tout d’un coup. Je vous donnerai dix mille écus tous les ans, et c’est à vous à voir si vous vous en voulez contenter. — C’est bien peu de chose pour moi, lui répondit la maréchale, et j’en joue quelquefois autant en un jour ; que ferai-je donc le reste du temps ? — Quoi ! Madame, s’écria Bechameil, ne sauriez-vous vivre sans jouer ? — Non, Monsieur, lui répondit-elle, cela m’est impossible. » Elle auroit pu ajouter : « aussi bien que de faire l’amour » ; mais elle jugea plus à propos de le laisser penser que de le dire elle-même.

Bechameil, tout amoureux qu’il étoit, étoit encore plus intéressé : ainsi, cette réponse ne lui ayant pas plu, il hocha la tête, ce dont la maréchale s’étant aperçue, elle fit ce qu’elle put pour le radoucir, n’ayant point d’envie du tout de le perdre. Elle lui dit donc qu’afin que tout le monde vécût, il lui donnât vingt mille écus : mais, s’étant récrié à cette proposition, il dit tout résolûment qu’il ne passeroit pas d’un denier les dix mille qu’il avoit offerts, et que c’étoit à elle à se résoudre. La maréchale, le voyant si obstiné, fut obligée de s’en contenter ; mais elle voulut un pot-de-vin, disant qu’on ne faisoit jamais de marché de conséquence qu’il n’y en eût un. Bechameil n’eut rien à dire à cela, et, étant convenu d’en donner un de deux mille écus, il fallut qu’il comptât le lendemain douze mille cinq cents livres : car elle voulut avoir un quartier d’avance, disant qu’il avoit si bien reconnu lui-même que c’étoit la coutume, qu’il en