Rambures[1], qui, avec la passion du jeu, avoit encore celle de l’amour jusqu’à l’excès, entendant dire à tout le monde qu’il falloit qu’il eût été bien piqué pour jouer trois jours entiers, sans que ses amis l’eussent pu voir : « C’est, dit-elle, qu’il n’avoit que faire de témoins au jeu qu’il jouoit. » Chacun se prit à rire de cette saillie ; mais Caderousse en rougit, ce qui fut remarqué particulièrement du marquis de Fervaques[2], fils de madame de Bonnelle.
Ce n’étoit pas néanmoins un homme qui fût sorcier ; au contraire, il avoit extrêmement à se plaindre de la nature, qui lui avoit donné un fort grand corps, mais un fort petit esprit. Sur ces entrefaites, la duchesse d’Aumont entra, et après que celles qui ne l’avoient pas encore été voir lui eurent fait compliment sur son mariage, Fervaques se mit auprès d’elle, lui demanda si ce n’étoit point elle qu’on devoit accuser de la disparition de Caderousse ? Comme il n’y a rien qui soit à l’épreuve de la vérité, elle ne se put empêcher de rougir, et, pour peu d’esprit qu’il eût eu, il eût bientôt reconnu qu’il l’avoit touchée sensiblement ; mais il avoit dit cela à tout hasard, tellement que, ne faisant point de réflexion à l’intérêt qu’elle y prenoit, il se contenta de lui dire que, quelque mérite qu’eut Caderousse, il seroit trop heureux si une pareille fortune lui arrivoit ; que, comme il n’y avoit personne qui en connût