Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/160

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ENTRETIEN VI.

Le Roi, Mademoiselle du Tron, et Madame de Maintenon, qui surprend le Roi aux pieds de cette belle, dans un cabinet[1] d’orangers.

Mme de Maintenon. — Ah ! ciel, que vois-je ? le Roi qui ne s’est point souillé depuis cinq ou six ans des plaisirs de la chair, et le voici aux pieds d’une fille ! Ah ! Sire, je veux qu’un ange m’emporte, si vous ne perdez la santé qui vous reste, par vos mouvements passionnés.

Le Roi, faisant un signe de croix. — Madame, je remarque que vous extravaguez. Allez vous mettre au lit ; vous êtes plus malade que vous ne pensez. Mon bel ange aura soin de me guérir. Les blessures d’amour ne sont pas dangereuses.

Mlle du Tron. — Quelquefois, Sire, ce Dieu a renversé des murailles et gagné de grandes victoires ; et tout cela en faisant souffrir bien des peines à ceux qui les défendoient[2].

Mme de Maintenon, présentant un petit crucifix au Roi. — Voilà, Sire, la véritable pierre de touche ; voilà quel doit être à présent l’objet de votre adoration ; c’est là où Votre Majesté doit attacher toutes ses affections et toutes ses pensées, sans s’amuser à ternir sa gloire aux pieds des créatures mortelles.

  1. Cabinet. Ce mot, dans le sens où il est pris ici, de petite enceinte d’arbres, est très-ancien dans la langue. On le trouve déjà dans Nicot : Cabinet ou Gabinet en jardin, suffugium.
  2. Le texte porte : la ; — les se rapporte à murailles.