Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/329

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ravi ; mais, hélas ! si mon sort me sépare de vous un moment, je ne veux plus vivre ! »

La comtesse de Souche prononça ces paroles avec tant de tendresse et avec un si grand torrent de larmes, qu’elle attendrit le cœur de son amant si sensiblement qu’il pleura plus d’un après-dîner avec sa maîtresse. L’on pouvoit dire dans ces moments, que l’amour n’étoit point joli, puisqu’il avoit les yeux mouillés. Ce petit enfant pleure quelquefois quand il n’est pas content. C’est pourquoi Vénus, sa mère, le prend fort souvent sur ses genoux et le caresse afin de l’apaiser ; mais si on ne lui donne pas ce qu’il veut, ce Dieu folâtre crie plus que jamais. Le prince de Vaudemont tâcha aussi de modérer les plaintes de sa belle, en la baisant tendrement et lui disant qu’il ne vouloit plus respirer le jour que pour elle, que sa reconnoissance étoit inconcevable, et qu’il faudroit être né le plus ingrat et le plus lâche de tous les hommes pour ne pas sentir une forte amitié et un tendre amour pour elle.

Des paroles si touchantes charmèrent la comtesse et lui firent augmenter ses caresses à son illustre galant, qui, de son côté, aimoit beaucoup ce petit bavardage. Après que le prince de Vaudemont et sa maîtresse eurent demeuré quelque temps à Senef, ils retournèrent à Paris. Le comte de Souche, qui étoit extrêmement irrité contre sa femme, et qui lui faisoit des reproches sensibles sur son infidélité, l’accabloit de menaces. Quand la comtesse voulut se justifier par des feintes ordinaires aux coquettes, elle lui dit que le voyage qu’elle