Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/39

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avoit à essuyer, n’étoient pas capables de le guérir ; que son mal étoit désormais sans remède, et qu’il n’y avoit point de milieu à prendre ; qu’il mourroit de douleur, ou contenteroit son amour.

Pendant que le Roi s’entretenoit ainsi avec le duc de La Feuillade, la comtesse s’entretenoit avec elle-même ; elle se garda bien de faire ce qu’elle avoit dit, et d’imiter la princesse de Clèves[1] dans une conjoncture si délicate. Elle garda pour elle un secret si important, et eut quelque chagrin que le Roi eût fait choix d’un confident. Ce n’est pas qu’elle eût aucun dessein de correspondre à son amour ; mais elle se sentoit doublement offensée, et par la déclaration qui venoit de lui être faite de sa part, et parce qu’il s’étoit servi d’un tiers dans une affaire si chatouilleuse, et qu’elle auroit voulu cacher, par manière de dire, à elle-même. Ce fut la cause peut-être qu’elle fit au Roi une réponse si cavalière, pour lui faire comprendre qu’il devoit plus ménager une femme de sa façon. Le Roi eut aussi la même pensée, quoiqu’il ne le témoignât pas, et il ne songea qu’à réparer cette faute, et à découvrir lui-même ses feux à celle qui les causoit.

Mais pour revenir à la comtesse, elle ne savoit, si elle devoit s’affliger ou se réjouir : elle ne doutoit pas de l’amour du Roi ; ses yeux le lui avoient encore mieux dit que n’avoit fait le duc de La Feuillade ; cette pensée flattoit agréablement son orgueil ; il n’est point de

  1. Voy. le roman de Mme de La Fayette.