Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/49

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ne dois-je compter pour rien la modestie de mon sexe, ma propre vertu, ma pudeur et les mouvements de ma conscience, qui répugnent à je ne sais quel commerce que vous demandez de moi, et qui ne peut aboutir à rien de bon ? Encore une fois, Sire, je vous le demande pour dernière grâce, si vous avez quelque considération pour moi, demandez-moi des choses plus raisonnables. — Et que vous puis-je demander de plus raisonnable, dit alors le Roi, dans la triste situation où je me trouve ? Je brûle d’un feu qui me dévore, j’aime sans espérance, je soupire, je meurs d’amour pour vous, et je ne vous demande que de vous voir et de vous parler ; et vous trouvez que ce que je vous demande est déraisonnable ? Peut-on vous demander moins ? et la vertu la plus sévère s’en pourroit-elle offenser ?

La comtesse, qui vit que le Roi persistoit toujours dans le dessein de la voir, ne voulut pas lui répliquer davantage, de peur de l’aigrir, et, sans lui accorder sa demande, elle se contenta de cesser de lui contredire ; mais comme les amants prennent avantage de tout, le Roi ne manqua pas d’expliquer en sa faveur le silence de la comtesse. C’est ainsi qu’ils se séparèrent ; le Roi continua sa promenade avec ceux qui l’accompagnoient, et la comtesse reprit le chemin du château avec ses deux femmes.

C’est une maxime certaine en fait d’amour que les femmes vont toujours plus loin qu’elles ne pensent, et les hommes au contraire se flattent d’avoir fait plus de chemin qu’ils n’ont fait en effet. Cela ne manqua pas d’arriver au Roi et