Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/84

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trouver sa femme. On ne sait pas bien si leurs épouses n’avoient pas bien distingué les lits qui avoient été arrêtés par leurs maris, ou si ces Messieurs eux-mêmes, distraits par les différents objets qu’ils avoient vus à la promenade, ou peut-être accablés de sommeil, prirent un lit pour un autre ; quoi qu’il en soit, car cela ne fait rien à l’affaire, chacun de ces deux gentilshommes, au lieu de s’aller mettre auprès de sa femme, s’alla coucher avec celle de son ami.

Ces quatre personnes passèrent ainsi toute la nuit, sans qu’aucune d’elles s’aperçût de cet étrange quiproquo. On peut bien croire que ces Messieurs, qui souhaitoient tant d’avoir des enfants, et qui étoient allés là pour cette seule raison, ne passèrent pas toute la nuit sans rien faire, et qu’ils travaillèrent de toute leur force à la propagation de leur espèce. Leurs belles épouses, qui avoient le même désir, s’y employèrent aussi avec affection et avec toute l’ardeur de leur sexe. Enfin, le matin étant venu, on voit paroître le jour, on songe à se lever, on tire le rideau, on se parle ; mais qui pourroit exprimer la surprise de ces deux femmes et de ces deux maris, à la vue d’une si étrange métamorphose ? Ils demeurent tout confus, ils sont tous quatre muets et interdits, personne n’ose parler, aucun n’a la force d’interroger son voisin ni de lui demander comment il a passé la nuit, de peur d’en trop apprendre ; chacun se flatte que son compagnon a dormi toute la nuit ; chacun se console d’avoir au moins tiré parti d’une affaire si délicate et de n’être pas la dupe. Chacun savoit bien ce qu’il avoit fait de son