Page:Byron - Œuvres complètes, trad. Laroche, I.djvu/489

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quelques heures derrière nous le seul caravansérail que nous eussions rencontré ; on n’apercevait nulle part le moindre vestige de village ou même de cabane, et « la cité des morts » semblait être le seul asile offert à mon malheureux ami, qui paraissait devoir devenir bientôt le dernier de ses habitants.

Dans cette situation, je cherchai autour de moi un emplacement où il pût reposer convenablement. Contrairement à l’aspect ordinaire des champs de repos mahométans, dans celui-ci les cyprès étaient peu nombreux et disséminés à de longs intervalles ; les tombes étaient, pour la plupart, abattues et usées par le temps. Sur l’une des plus considérables de ces dernières, et sous l’un des cyprès les plus vastes, Darvell se soutint avec difficulté dans une attitude à moitié penchée. Il demanda de l’eau ; je doutais qu’on pût en trouver, et me préparai à en chercher avec un sentiment d’hésitation et de découragement ; mais il exprima le désir que je restasse, et, se tournant vers Suleiman, notre janissaire, qui était à côté de nous, fumant sa pipe le plus tranquillement du monde, il dit : « Suleyman, verbana su » (c’est-à-dire, apportez-moi de l’eau). Puis, il décrivit dans le plus grand détail l’endroit où l’on pourrait en trouver : dans un petit puits pour les chameaux, à quelques centaines de pas, sur la droite. Le janissaire obéit. Je dis à Darvell : — « Comment saviez-vous cela ? » — Il répondit : — « D’après la nature du lieu où nous nous trouvons, vous devez voir que cet endroit a été autrefois habité, et il n’aurait pu l’être sans eau. D’ailleurs, j’ai été ici auparavant. »

« — Vous avez été ici auparavant ! Comment se fait-il que vous ne m’en ayez jamais parlé ? Et que pouviez-vous faire dans un lieu où nul ne reste un moment de plus qu’il n’y est obligé ? »

À cette question je ne reçus point de réponse. En ce moment, Suleiman revint avec l’eau, laissant le serrugi et les chevaux à la fontaine. Lorsqu’il eut étanché sa soif, il parut se ranimer un instant, et je conçus l’espoir de pouvoir poursuivre notre route, ou, du moins, revenir sur nos pas, et ce