Page:Byron - Œuvres complètes, trad. Laroche, II.djvu/269

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LE RÊVE’.

I.

Notre vie est double ; le sommeil a son monde a lui , monde limitrophe de ce que nous nommons à tort la mort et l’existence : le sommeil a son monde a lui, vaste domaine de fantastique réalité ; et dans leur développement les rêves respirent ; ils ont des larmes, des tourments, et sont susceptibles de joie ; ils laissent un poids sur les pensées de notre réveil, ils enlèvent un poids aux fatigues de notre veille. Ils divisent notre être, ils deviennent une portion de nous-mêmes et de notre temps ; ils sont comme les messagers de l'éternité ; ils passent comme des esprits du passé, — ils parlent comme des sibylles de l’avenir, ils exercent sur nous un pouvoir, — une tyrannie de plaisir et de douleur ; ils font de nous ce que nous n’étions pas, — ce qu’ils veulent ; ils nous effraient des visions du passé, nous font trembler devant des ombres évanouies. — Cela est-il vrai ? Le passé est-il autre chose qu’une ombre ? Que sont les rêves ? Des créations de l’àme ? — L’âme peut produire des substances, peupler les mondes de sa création d’êtres plus brillants que tout ce qui a existé jusqu’à ce jour, et animer des formes qui survivront à toute chair. Je voudrais retracer une vision que j’ai rêvée peut-être dans le sommeil ; car en elle-même, une pensée, une pensée du sommeil peut em- brasser des années, et résumer une longue vie en une heure. II.

Je vis deux êtres dans tout l’éclat de la jeunesse ; ils étaient sur une colline verdoyante et d’une pente douce, la dernière d’une longue chaîne de collines qu’elle terminait comme un promontoire, excepté qu’il n’y avait pas d’océan qui baignai sa base, mais un vivant paysage, et une mer de bois et de maisons, et les demeures des hommes c’a et là disséminées, et la fumée s’élevant des toits rustiques en ondoyants flocons ; — cette colline était couronnée d’un dia- dème d’arbres rangés en cercle, (|u’y avait placés non le