Page:Byron - Œuvres complètes, trad Paris, 1830.djvu/175

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répandirent des larmes sur le sort de leurs compagnons noyés dans le cutter, et bien aussi sur celui des caisses de beurre et de biscuit.

62. Le soleil se leva rouge et enflammé, présage certain de la continuation du vent. Suivre le cours des flots jusqu’à ce qu’il se montrât plus beau, c’était pour le moment tout ce qu’ils avaient à faire. On servit toutefois quelques petites cuillerées de rum et de vin à chacun d’eux ; car ils commençaient à perdre leurs forces. L’eau avait percé les sacs de pain moisi, et la plupart d’entre eux n’avaient conservé de leurs culottes que quelques lambeaux.

63. Ils étaient trente, contenus dans un espace qui leur permettait à peine de faire un pas ou le moindre mouvement. Ils adoucirent leur situation comme ils purent, moitié d’entre eux se levant quoique engourdis par l’humidité, les autres s’asseyant à leur place, et se relevant d’un moment à l’autre. C’est ainsi qu’ils parvenaient à se tenir tous dans la barque ; tremblans comme dans le frisson d’une fièvre tierce, et sans autres vêtemens que la grande enveloppe des cieux.

64. Il est certain que le désir de la vie peut la prolonger. Les médecins en ont l’expérience, quand ils voient les patiens que ne tourmentent ni leurs femmes ni leurs amis, résister à des maladies mortelles. C’est qu’alors l’espoir leur reste, et que leur imagination ne réfléchit pas le couteau ni les ciseaux d’Atropos. Il n’y a que le désespoir de la guérison