Page:Byron - Œuvres complètes, trad Paris, 1830.djvu/183

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étaient pas plus désaltérés, jusqu’au moment où ils trouvèrent un lambeau de toile dont ils se servirent comme d’un réservoir spongieux, et qu’ils tordirent quand ils le crurent suffisamment humecté. Un fossoyeur altéré aurait préféré à leur courte boisson un pot rempli de porter, mais pour eux, ils ne croyaient pas avoir jamais auparavant senti la volupté de boire.

86. Leurs lèvres avides et rougies de crevasses s’attachaient au linge qu’ils suçaient comme s’il eût été inondé de nectar. Leurs gosiers étaient des fours, et leurs langues enflées étaient noires comme celle du riche de l’enfer qui vainement implorait du mendiant la faveur d’une goutte de rosée, comparable alors pour lui à toutes les joies du ciel[1]. — Si cela est vrai, quelques chrétiens peuvent trouver des consolations dans leur foi.

87. Dans cette déplorable troupe il y avait deux pères et avec eux les deux fils. L’un de ceux-ci paraissait le plus robuste et le mieux portant ; il mourut des premiers. À l’instant de sa mort, son plus proche voisin en avertit le père, qui dit en jetant les yeux sur lui : « Je n’y puis rien, la volonté de

  1. « Le riche, en criant, disait : « Père Abraham, envoie Lazare pour qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau, afin qu’il en rafraîchisse ma langue, car je suis crucifié dans cette flamme. » Et Abraham lui dit : « Mon fils, souviens-toi que tu as reçu les biens pendant ta vie, et de même Lazare les maux. Maintenant celui-ci est consolé, et toi tu es tourmenté. » (Luc, ch. XVI.)