Page:Byron - Œuvres complètes, trad Paris, 1830.djvu/185

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base lumineuse sur la mobilité des flots. Tout dans le cercle qu’il embrassait contrastait, par sa clarté, avec le reste de l’étendue ; mais sa vaste lumière s’élargit bientôt, et devint ondoyante comme une bannière déployée, puis elle prit la forme d’un arc tendu, et finit par disparaître aux yeux de nos pauvres naufragés.

92. Il changeait ainsi naturellement. Ce fils aérien de l’onde et du soleil, véritable caméléon céleste, naît dans la pourpre, est bercé dans le vermillon, baptisé dans l’or liquide et emmailloté dans une enveloppe obscure. Il brille comme le croissant sur les pavillons turcs, et réunit toutes les couleurs en une seule, précisément comme un œil noirci dans une lutte (car on est obligé quelquefois de boxer sans masque).

93. Nos marins naufragés le prirent pour un bon présage. — Autant vaut le croire ainsi, maintenant comme alors ; cette vieille habitude des Grecs et des Romains peut être d’un grand service quand les gens sont découragés. Et certes nul n’avait plus qu’eux besoin d’un antidote contre le désespoir. Cet arc-en-ciel parut donc à leurs yeux comme l’espérance, — et, pour tout dire, un céleste kaléidoscope[1].

94. Au même instant un bel oiseau blanc, à la patte large et assez semblable à la colombe pour la forme et le plumage,

  1. Καλου ειδεος σκοπη, qu’on peut traduire : beau point de vue.