Page:Byron - Œuvres complètes, trad Paris, 1830.djvu/188

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ces figures pâles et décharnées comme des spectres de la barque de Caron. Leur vivante cargaison était maintenant réduite à quatre individus ; plus, trois morts que leurs efforts réunis n’avaient pu jeter à la mer avec les autres. Les deux goulus les suivaient toujours, et faisaient parfois jaillir l’écume des flots sur leur visage.

102. La famine, le désespoir, le froid, la soif et la chaleur les avaient tour à tour retournés et maigris au point qu’une mère au milieu de ces squelettes n’aurait pu reconnaître son fils. Glacés par la nuit, grillés par le jour, ils expirèrent l’un après l’autre jusqu’à ce qu’ils fussent réduits à ce petit nombre. Mais il faut accuser avant tout l’espèce de suicide qu’ils commirent en nettoyant Pédrillo dans de l’eau salée.

103. Comme ils approchaient de la terre, dont l’aspect leur semblait inégal, ils sentirent la fraîcheur de la verdure naissante qui se balançait dans les forêts élevées, et tempérait l’ardeur de l’air. C’était pour leurs yeux fatigués une espèce d’écran qui leur cachait les vagues étincelantes et les cieux si clairs et ardens. — Ils trouvaient délicieux tout ce qui pouvait les distraire du vaste, effroyable et éternel abîme de l’Océan.

104. Le rivage se montrait aride, inhabité et pressé de vagues redoutables ; mais ils étaient devenus fous de la terre, et ils pressèrent leur course, en dépit des brisans qui mugissaient justement devant