Page:Byron - Œuvres complètes, trad Paris, 1830.djvu/203

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mots. Ses yeux étaient éloquens : mais ses paroles furent embarrassantes ; elle s’exprimait pourtant en bon grec moderne, avec un doux et lent accent ionien, et elle se contentait de lui dire qu’il était bien faible, qu’il devait se taire et prendre quelque nourriture.

151. Juan ne comprenait pas un mot, puisqu’il n’était pas Grec ; mais il avait de l’oreille, et la voix de la jeune fille était le chant d’un oiseau ; si tendre, si douce, si délicate et si pure que jamais l’on n’entendit de plus belle, de plus simple musique. C’était une de ces voix qui arrachent des larmes sans qu’on en devine la cause ; — un de ces accens d’où la mélodie semble descendre comme d’un trône.

152. Juan ouvrait de grands yeux ; semblable à celui qu’éveille le son d’un orgue lointain, et qui croit rêver encore jusqu’au moment où le charme est rompu par la voix d’une sentinelle, ou quelqu’autre objet réel, ou bien encore par les pas maudits d’un valet matinal. Ce dernier bruit est vraiment insupportable, du moins pour moi qui me couche volontiers le matin. — Je trouve que la nuit relève autant l’éclat des dames que celui des astres.

153. C’est encore ainsi que Juan fut tiré de sa rêverie ou bien de son sommeil, par le sentiment d’un furieux appétit. La fumée de la cuisine de Zoé pénétra sans doute ses sens, et la vue de la flamme qu’elle entretenait en surveillant à genoux les plats, l’arracha de sa léthargie et lui donna un violent désir