d’un air profondément satisfait et pénétré de l’importance capitale du moment.
Étrange impression, surprenante saveur qui se dégage de cette scène ! Alors que la visite du ministre et de tous les fonctionnaires supérieurs du district apparaissait sans racines, sans réalité plus appréciable que celle d’un papier administratif quelconque que le vent d’ouest aurait poussé sur le terrain de Bochaha ; maintenant on sent qu’il arrive quelque chose de réel, de susbtantiel, quelque chose qui a une racine.
Cette racine, incontestablement, n’est fixée ni en libre science, ni en libre philosophie, ni en libre religion, mais « objectivement » dans une tradition séculaire. Et cette tradition est pour ces gens la réalité objective profonde, solide entre toutes. Saveur identique à celle qu’on perçoit violemment, outrageusement, au contact des nationalistes, racistes et orthodoxes de tous les lieux et de tous les temps : Barrès, Hitler, Mussolini, Goebels ; ou du patriote militaire qui jamais n’a examiné librement les « autres » possibilités, et qui va, poussé par sa tradition, de l’épée à l’arc de guerre, de l’arc à la poudre à canon, de la poudre aux gaz asphyxiants, à l’avion de bombardement, etc., incapable de penser librement en dehors de cette ligne désastreuse d’attaque ou de défense.
Ainsi Hari-Raout, d’un air illuminé et convaincu, continue à pétrir sa boue d’angle, aux siècles des siècles, sous les yeux de l’astrologue.
Ce qui est très surprenant et réjouissant, c’est que cet astrologue de Bochaha emploie la puissance magique qu’on lui attribue dans un sens bienfaisant, comme un bon médecin ou un bon prêtre, conscient du mode d’action réel de certains médicaments ou rites qu’il administre.