Page:Cérésole - En vue de l’Himalaya.djvu/62

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volontiers d’ailleurs ; ces pataugées n’ont rien de particulièrement désagréable, une fois qu’on s’est habitué à sentir ses pieds s’enfoncer profondément dans la vase. Parfois le fond est glissant et il arrive aux villageois eux-mêmes de perdre leur équilibre et de s’étaler dans la mare à la grande joie des assistants. Jusqu’à maintenant j’ai réussi à garder toujours un équilibre européen plein de dignité.


Deux maisons.

Au moment de midi, lundi 17 décembre, nous passons dans la lamentable maison d’un zamindar qui est, elle, pire que misérable, elle est d’une laideur et saleté repoussantes, au milieu d’un champ de boue, entourée de rizières qui doivent représenter de grandes richesses, et occupée uniquement et provisoirement — outre le personnel subalterne — par un jeune homme, agent de zamindar. Au moment où nous arrivons sur la terrasse à laquelle accède un escalier de briques disjointes et croulantes, il est installé sous des couvertures sales — sur de la paille sale, en train de compter des roupies en faisant sonner chaque pièce d’un coup d’ongle pour s’assurer qu’aucune n’est fausse. Un horrible spectacle ; la crasse du « sari » d’une pauvre vieille indienne n’a rien d’offensant (elle fait honte au « sahib conscient » ), mais la fourre d’oreiller de ce jeune bellâtre, blanche il y a six mois, et noire de crasse… alors qu’il a assez d’argent pour fumer des cigarettes et porter une bague d’or et faire sauter ainsi des écus, elle a quelque chose d’infernal. Cette maison est construite en briques avec des arcades marquant la maison de maître, mais elle est mal tenue au point de ressembler à une sale écurie. Dans la chambre : un vieux coffre en bois — rien d’autre, sauf la paille et la saleté traînant par