propre du reste, bien que Rajendra, trop bon, paraisse avoir autour de lui une bande de détestables serviteurs.
Le repas du soir que Rajendra nous fait avec sa bonne grâce et gentillesse souriantes, est bien la chose la plus extraordinaire que j’ai vue comme façon de servir un repas « entre amis ». À notre arrivée, Rajendra, en visite à quelques kilomètres chez une nièce malade, n’était pas encore rentré chez lui. On nous offre du thé, — très bon. J’en prends pour ne pas compliquer les affaires en demandant « mon lait » comme Mahatma les complique un peu avec son lait de chèvre. Quand R. rentre, on lui sert son repas indien spécial à cause de son régime de malade. Il le prend en ma présence. Sa maison est habituée à ce scandale. Trois quarts d’heure après, vers huit heures du soir, c’est mon tour : un repas indien terrifique par la froideur absolue de tout ce qui est servi. (Habitués à une température normalement accablante, les Hindous trouvent naturel, — et nous comprenons cela aussi en juin, — de manger froid tout ce que nous refusons d’avaler si ce n’est plus chaud.) Mais on n’apporte rien à manger pour Phanindra qui est avec moi. Cela ne m’étonne pas trop. Les serviteurs de Rajendra pensent sans doute que manger en présence d’un « hors-caste » européen — extravagance criminelle — est une spécialité de leur maître, et vont appeler P., tout à l’heure, à manger à part.
Un quart d’heure passe ; une demi-heure. Rien pour P. Trois quarts d’heure… toujours rien… Je demande discrètement l’heure qu’il est, (neuf heures) et, imaginant que P. a peut-être pris son repas dans je ne sais quelle quatrième dimension à l’usage des Hindous orthodoxes, ou dans un moment où j’étais distrait, je suggère, discrètement aussi, que c’est peut-être le moment d’aller se coucher. Rajendra marque alors nettement la situation en répondant : « Oui,