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LES FORCES DE L’ESPRIT
RALPH-WALDO EMERSON
1803-1882

Étude présentée en conférence publique

« On annonce, écrit Emerson, qu’un certain M. Grand va faire un discours à l’occasion du 4 juillet ou qu’un certain M. Hand va parler à l’Institut des Arts et Métiers et cependant personne d’entre nous ne se dérange pour aller les écouter, car nous savons qu’aucun de ces messieurs ne va nous apporter sa vraie personnalité et son expérience vivante. Si nous avions le moindre espoir d’entendre une communication loyale et intime de leur personne réelle, nous nous précipiterions en foule en dépit de tous les obstacles et de toutes les difficultés. Les paralytiques y courraient sur leurs béquilles ou s’y feraient porter sur des civières. Mais maintenant nous savons qu’un discours public n’est qu’une dérobade, une manière diplomatique de tourner autour du pot, un masque, un bâillon ; nullement un vrai don de soi-même, un vrai discours, un homme ! »

J’avoue bien vite que mon intention, ce soir, n’était pas de provoquer une mobilisation générale des paralytiques et des boîteux, mais, peut-être, sans ce mot d’Emerson, n’aurais-je pas osé inviter même les personnes parfaitement ingambes, qui heureusement composent la grande majorité de cet auditoire, à quitter, pour venir ici, un confortable fauteuil dans le cercle de famille.

Je ne vais pas présenter ici une étude académique de la personne et de l’œuvre d’Emerson. Emerson est un homme à compter aujourd’hui même parmi les plus vivants bien qu’il soit mort, comme on dit, il y a près de cinquante ans. Un homme parfaitement vivant. Rencontrer un tel homme est une expérience capitale. C’est de cette expérience que je voudrais vous parler ici en toute liberté et, en suivant le conseil d’Emerson lui-même, d’une manière toute personnelle.