Page:Cérésole - Vivre sa vérité.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
pierre cérésole

étouffer autrui. Les passions de la lutte ne nous pousseront plus, mais la joie de la justice nous fera marcher ; on pourrait s’appeler frères sans grimace.

eeiBeethoven dans le Pacifique. — Un salon froid, porte vitrée en carreaux de couleur. Pas beaucoup de choses aux murs (grand avantage chinois et japonais).

De magnifiques meubles chinois, sculptés, lourds, avec des incrustations de nacre ; un petit dressoir, bonheur du jour, plus simple, avec des drôles de plaquettes en écaille, pas joli, mais antique et traditionnel, pour autant que je puisse risquer une opinion. Un cancrelat et un autre être rampant se poursuivent au plafond.

Monsieur est Américain. Madame est Chinoise et Hawaïenne. Mais la merveille, c’est cette enfant étrange qui doit avoir treize ans. Impossible d’apercevoir dans ce salon autre chose que sa figure et ses yeux, et quand je tâche de regarder ailleurs, j’ai l’impression que mes yeux tournent absurdement dans le vide.

Des cheveux superbes, bruns, serrés, abondants ; le teint légèrement bronzé, l’œil large, profond, bleu, d’un bleu qui fait penser absurdement qu’il doit être chinois parce qu’on ne sait à quoi le rattacher, les lèvres minces et fines, une voix sonore, pleine, lancée avec une magnifique impertinence d’enfant. Rien ne m’a jamais transpercé comme ce visage depuis que j’avais huit ans et suis tombé en admiration passionnée devant une ou deux figures.

Mlle K. jouait la Sonate au clair de lune.

Beethoven, la Chine, Hawaï, les lourds meubles incrustés de nacre, cette merveilleuse enfant.

Éternel, Éternel…

Cette figure était fabuleuse.

Sans doute, K. n’est pas la première interprète de Beethoven dans le monde, mais on le retrouvait.