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vivre sa vérité 1909–1912

pénible, sanglante peut-être, pour les réveiller, pour les amener à marcher, à changer. C’est le glaive dont parle l’Évangile.

La justice, le devoir, l’idéal, le sacrifice : le cadeau le plus précieux qu’on puisse vous apporter.

eeiMon Dieu ! ce que j’ai menti, menti, menti…

Cet après-midi, thé sur la véranda splendide de M. G. W. Causé, seuls ; une de ces conversations à prétention morale où on affecte de toucher de graves questions… Stérilité, stérilité… On sait que ça ne changera rien. Déshonorant.

Seigneur, fais-nous passer vivant à travers ces choses nauséabondes. Ah ! vous causez questions sociales — pour vous amuser — en souriant — sans être résolus à changer !

Il n’y a pas de droiture, pas de liberté. Ah ! sur cette véranda, devant ce service à thé charmant, et ces fleurs — et pendant que cette petite Japonaise, là dans le coin, attend vos ordres — ah ! nous parlons de la moralité du monde, de la société ! C’est un mensonge de plus.

Votre âme y succombera.

Comme je vous aime, vous, gens grossiers qui dites, aveuglés : « Cochons d’aristocrates, cochons de riches ! tire-toi ou je te casse la gueule ». Comme ces paroles sont saines et fraternelles et hautes au prix de ce robinet d’eau tiède que nous avons laissé couler.

C’est que je n’ai pas voulu leur faire de peine. Il y a du cœur, de l’âme, de l’affection chez ces gens, enfouis dans un profond, profond, profond fumier…

Oh ! Madame, à quelle déshonorante affaire je me suis laissé aller parce que, toute riche que vous êtes, vous êtes une âme sœur que je ne voulais pas blesser ; — pas le courage, naturellement. Le ciel m’est témoin que je n’y mettais pas d’autres pensées basses. Ce n’est pas de l’argent, de l’influence, une situation, que je sens. Non ; mais, plus horrible peut-être, je veux être « bienvenu », être apprécié, être « l’ami ».