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Page:César - Le forgeron de Thalheim, 1885.djvu/219

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le forgeron de thalheim

douce espérance d’une vieillesse heureuse ; brisé le fil qui la rattachait à la vie, qui lui en faisait aimer les derniers jours. Certainement elle en mourrait. Depuis l’heure fatale où elle avait entendu le magistrat accuser Robert d’un crime horrible, il lui semblait qu’elle eût déjà vécu dix années, et à peine l’aiguille des minutes de la simple horloge avait-elle accompli cinq fois le tour du cadran. Et aucune âme près d’elle, à qui elle pût communiquer ses impressions, à laquelle elle eût parlé de son fils. La désolation dans son cœur et la désolation au foyer.

Et ainsi pelotonnée à côté du poêle, frileuse de la peur éprouvée, elle laissait couler silencieusement ses larmes abondantes. Ses joues se creusaient, son front se ridait et ses cheveux étaient tout blancs. Immobile, elle restait là, son esprit tourmenté seulement par une chose unique, un fait brutal, un crime ; puis, elle torturait sa raison, s’ingéniait à trouver des circonstances atténuantes, doutant et riant de ses folles terreurs, en proie à des affolements stupéfiants et entrevoyant dans le pêle-mêle de ses pensées noires, la figure de son Robert, sereine et calme. Un vrai coupable n’a pas cette physionomie-là.